«Pressé fortement sur ma droite, mon centre cède, impossible de me mouvoir...»
- Jean Dominique Merchet

- 14 oct.
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Dernière mise à jour : il y a 4 jours
Analyse politique de la crise actuelle à la lumière du maréchal Foch

#Opinion On prête au futur maréchal Foch ces mots qu'il aurait prononcé en 1914, lors de la bataille de la Marne (1) : « Mon centre cède, ma droite recule, impossible de me mouvoir, situation excellente, j'attaque ». Cette phrase m'est revenu en mémoire en observant le spectacle lamentable de la crise politique dans laquelle la France s'enfonce. Ma conviction est que l'analyse tactique et stratégique ne s'applique pas qu'à la guerre : elle vaut aussi pour la politique.
En 2017, j'avais publié un petit livre intitulé «Macron Bonaparte» (Stock) dans lequel je tentais, non de faire l'éloge du nouvel élu, mais d'expliquer en quoi son accès au pouvoir avait des traits communs avec celui du général Bonaparte en 1799. Comme lui, Macron rassemblait les «modérés», le centre, au delà des querelles passées, pour sauvegarder un régime menacé sur sa droite et sur sa gauche. Royalistes et Jacobins hier, RN et LFI désormais. A cause du rétrécissement de sa base sociale et politique, le camp des modérés (UMP et PS) ne pouvait plus se permettre de garantir l'alternance en son sein. D'où la synthèse macronienne - comme hier celle de Bonaparte. Ces solutions se font par ralliement autour d'un homme jugé providentiel, et non par compromis négocié entre grands partis.
En 2017, avec la victoire d'Emmanuel Macron, la France a inauguré une nouvelle ère de la Ve République : le gouvernement par le centre. Ce n'est pas la même chose que le gouvernement au centre. Il ne définit pas un contenu politique, mais le lieu d'où est exercé le pouvoir. S'il satisfait les raisonnables et les modérés - dit-autrement, les couches sociales les plus favorisées - il présente un immense inconvénient dans une démocratie, celui de bloquer la possibilité d'une alternance au sein du camp modéré.
Si ce pouvoir obtient des résultats comme ce fut le cas de Bonaparte (au moins jusqu'en 1806), il gagne alors en légitimité et en solidité. Avec Emmanuel Macron, ce ne fut pas exactement le cas, comme on le vit dès novembre 2018 avec la crise des Gilets jaunes. Les législatives de 2022, sans majorité absolue, puis la folle dissolution de 2024 ont aggravé la situation.
Le bloc central s'affaiblit et s'effrite. Il faut le renforcer sur ses deux ailes, en allant chercher ceux qui ne s'étaient pas ralliés dès 2017, à savoir LR et le PS - des partis affaiblis et profondément divisés.
Où en sommes-nous ? La macronie finissante entend aujourd'hui resserrer les rangs avec la menace d'une dissolution en faisant appel aux élus qui redoutent - c'est humain - de perdre leurs postes... Le Premier ministre Sébastien Lecornu ne manque pas d'habileté dans la manoeuvre tactique. Comme disait Foch : «Situation excellente, j'attaque». L'attaque de Lecornu consiste à menacer de renvoyer les élus devant leurs électeurs. Message reçu : un sursis est accordé à ce pouvoir en déroute. Ce n'est pas encore la débâcle, mais pour la gloire, on repassera.
(1) Son biographe Jean-Christophe Notin n'en a pas retrouvé la trace dans les archives.



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