Le «De Gaulle» de Jean-Luc Barré, une biographie exceptionnelle
- Jean Dominique Merchet
- il y a 2 heures
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Le deuxième volume vient de paraître. Il est consacté à la période 1944-1958.

On croit tout savoir sur le général de Gaulle, fort d'avoir lu ses grandes biographies, comme celles de Jean Lacouture, d'Eric Roussel ou de Julian Jackson. Las ! Jean-Luc Barré nous en apprend à chaque page... et celles-ci sont nombreuses puisque les trois volumes formeront un ensemble de plus de 2000 pages.
Le deuxième tome vient de paraître chez Grasset. Il est consacré à la période sans doute la moins connue, celle qui s'étend d'août 1944 à juin 1958.
Ce livre n'est pas seulement le récit d'une vie - et quelle vie ! C'est également le portrait d'un homme - et quel homme ! Le tout servi par une belle écriture, fluide et précise.
Ce «premier des Français» est un immense personnage, qui restera dans l'Histoire de notre pays au niveau de Jeanne d'Arc, de Louis XIV ou de Napoléon. Il n'y a là aucune gaullolâtrie, si j'ose dire, mais un simple constat. Jean-Luc Barré n'est d'ailleurs complaisant avec son sujet et cela renforce encore l'impression de grandeur.
Le biographe ne manque pas d'insister sur le caractère pittoresque de De Gaulle, sur son côté ombrageux et provocateur, intransigeant et manoeuvrier, théâtral et sensible. Des clés psychologiques qui permettent de mieux cerner le destin exceptionnel de l'homme.
L'auteur ne cache pas ses échecs ou demi-succès, qui nuance la vision angélique qui semble s'être désormais imposée.
À la Libération, il restaure l'Etat et désarme un parti communiste au sommet de sa puissance. Sur la scène internationale, ses succès sont moindres : il ne parvient pas à imposer ses vues sur le sort de l'Allemagne et doit s'incliner devant les Trois Grands, qui consentent difficilement à offrir un strapontin à la France.
Jean-Luc Barré est, à juste titre, sévère sur son bilan colonial. Alors que De Gaulle n'a jamais appartenu à ce qu'on appelle le «parti colonial», il va commettre de graves erreurs au nom de l'idée qu'il se fait de la grandeur de la France, la principale d'entre elles étant le retour en Indochine - et la guerre qui en déoulera.
Face aux partis, il ne parvient pas à imposer la réforme constitutionnelle de ses voeux et claque la porte début 1946... convaincu d'être rapidement rappelé au pouvoir. Mauvais calcul. Il devra attendre douze ans et subir l'échec de son propre parti, le RPF, qu'il saborde en 1953.
On le sait, c'est la guerre d'Algérie qui lui offre l'occasion de revenir au pouvoir. Les cent dernières pages du livre sont consacrées à cet épisode où son habileté machiavélique se déploie alors avec brio. Au diable les principes ! Il s'appuie sur la menace d'un coup de force militaire à Alger, le 13 mai 1958, pour abattre le régime de la IVe République... en se gardant bien d'être prisonnier des généraux auxquels il ne voue pas une admiration sans borne. Du grand art politique, magnifiquement décrit dans un grand livre.
Jean-Luc Barré «De Gaulle, une vie. Le premier des Français 1944-1958» Grasset, 2025, 28 euros.