Le chef d'état-major des armées part en guerre contre le «relativisme»
- Jean Dominique Merchet
- il y a 1 jour
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Dans ses deux premiers ordres du jour, le général Fabien Mandon critique le «relativisme», un mot nouveau dans la bouche d'un chef militaire
#information S'adressant le 1er septembre aux «Officiers, sous-officiers et officiers mariniers, soldats, marins et aviateurs, personnel civil des Armées» dans son ordre du jour n°1 à l'occasion de sa prise de fonction, le nouveau chef d'état-major des armées (cema), le général (air) Fabien Mandon avait affirmé : «Je souhaite de l’initiative, de la prise de risque. L’immobilisme ou le relativisme ne seront pas acceptés». Le mot de relativisme avait alors surpris. Pour lever toute ambiguité, le Cema a livré une véritable explication de texte jeudi 18 septembre, lors d'une prise d'armes aux Invalides, en adressant un nouvel ordre du jour. En voici les principaux extraits.
«Le relativisme est en soi un renoncement et constitue le premier pas vers la défaite. Il conduit à l’attentisme et à l’immobilisme et en cela s’oppose à la force d’âme qui permet d’affronter l’adversité.
Le relativisme c’est d’abord celui qui fait dire "ce n’est pas si grave". Il empêche d’appréhender correctement les menaces. Si les chars russes ne sont pas à nos frontières et pourraient ne jamais l’être, cela ne signifie pas que la Russie ne représente pas une menace pour notre pays et notre continent. Si les attentats terroristes sont dans leur grande majorité déjoués, cela ne signifie pas que la menace a disparue, bien au contraire.
Le relativisme, c'est aussi celui qui fait dire "cela n'est pas important ». Or toutes les missions à accomplir sont importantes. Il n'existe pas de petite ou de grande mission. Chaque action qui vous est confiée est importante et vous devez en être convaincus.
Le relativisme, c'est dire « cela n'en vaut pas la peine ». Ce qui inhibe notre capacité à réagir. Or, nos réactions sont observées. Si les réponses apportées aux tests, dont nous faisons déjà l'objet, sont adaptées et montrent notre détermination, alors nos adversaires hésiteront à nous provoquer davantage.
Enfin, le relativisme, c'est celui qui fait dire que « tout se vaut », qu'il n'existe pas de vérités.
Celui-ci nourrit la désinformation et la diffusion de fausses informations. Si tout est contestable, que les faits n'existent plus, nous finissons par nous en remettre à la pensée majoritaire, dans notre cas celle qui fait renoncer au courage de rester debout quand tout le monde se couche.»
#analyse Sauf erreur de notre part, c'est la première fois qu'un chef d'état-major des armées utilise ce mot - pas moins de dix fois dans ses deux ordres du jour. Le relativisme appartient au langage philosophique et il a été régulièrement employé par les papes Jean-Paul II et Benoit XVI pour le condamner, ainsi qu'à plusieurs reprises par le président Macron, dont le général Mandon était encore récemment le chef d'état-major particulier.
Avec ses deux ordres du jour, le Cema dévoile son style et sa personnalité. Il est le premier aviateur à ce poste depuis 1998 - et dans les armées, les aviateurs sont parfois perçus comme des techniciens.
On peut s'interroger sur le format choisi par le Cema. Un ordre du jour est un message solennel qui s'adresse en principe aux seuls militaires. Faut-il y voir une remise d'équerre, un rappel à l'ordre à ses troupes, qui feraient preuve de trop de "relativisme" ? Qu'une partie d'entre elles estimeraient que l'agressivité russe n'est pas si grave ? Que certaines missions, comme Sentinelle, ne sont pas importantes ? On peut le penser.
Mais, dans un contexte où les prises de parole du Cema ne sont pas totalement libres, on peut aussi considérer que le Cema a utilisé ses "ordres du jour" comme une tribune pour délivrer un message sur les «enjeux du moment» au delà de ses troupes, x'est-à-dire à la société civile, aux politiques, à nos voisins et partenaires européens.

