top of page

Dacian Fall : la France projette une brigade en Roumanie. Enfin, pas vraiment...

  • Photo du rédacteur: Jean Dominique Merchet
    Jean Dominique Merchet
  • il y a 5 jours
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 1 jour

L'état-major joue un peu sur les mots et évite de donner des chiffres précis (Actualisé)


ree

«La France s’est fixé pour objectif de démontrer sa capacité à projeter une brigade en Roumanie avant le printemps 2025», annonçait le ministère des Armées en juin 2024. L'objectif, issu d'un engagement pris lors du sommet de l'Otan de Madrid en 2022, est de «pouvoir mettre en place dans chaque pays du flanc Est [la Roumanie en l'occurence - NDLR] une force capable de passer du niveau bataillon au niveau brigade sous court préavis.» C'est une manoeuvre à la fois nécessaire politiquement, dans le cadre des plans de défense de l'Otan face à la menace russe, et compliquée d'un point de vue logistique.


«On ne projette pas une brigade en Roumanie comme une compagnie en Afrique» constate un général. C'est peu de le dire, comme le montre la manoeuvre actuellement en cours. Baptisée «Brigade Expansion» comme l'indique cette vidéo de l'armée de Terre, elle vise à projeter en Roumanie les moyens nécessaires pour participer à l'exercice «Dacian Fall». Fall (comme automne), alors que la manoeuvre prévue initialement était baptisée Dacian Spring (printemps). Las ! L'élection présidentielle en Roumanie s'est déroulée en mai, entre un candidat pro-occidental (qui l'a emporté) et un autre hostile au soutien à l'Ukraine. L'Otan a jugé de bon de reporter son exercice à une période politique plus calme.

Dacian Fall est placé sous le commandement de la Multinational Division Southeast Command (HQ MND-SE) à Bucarest.


La France projette-t-elle réellement une brigade en Roumanie ? On joue un peu avec les mots. Une brigade, c'est entre 3000 et 5000 hommes selon les pays. En France, on est «de l'ordre de 3000» indique-t-on dans les Armées. Projeter une brigade «sur court préavis» signifierait donc pouvoir envoyer «de l'ordre de 3000 hommes» à l'autre bout de l'Europe en une dizaine de jours. Et puisqu'il s'agit d'une «brigade bonne de guerre», comme l'explique l'état-major de l'armée de terre, cela signifie de projeter tout l'équipement de la brigade, ses véhicules, ses lots de rechanges, ses munitions.


Force est de constater que ce n'est pas le cas, de l'aveu - discret - des responsables. Ce qui est envoyé en Roumanie dans le cadre de «Brigade Expansion», ce sont des renforts «afin d'atteindre le niveau brigade». Comme toujours, le diable se cache dans les détails : depuis 2022, un contingent français est présent en Roumanie dans le cadre de la mission Aigle, avec un effectif de 1400 militaires selon l'état-major des armées (ou de plus de 1500 selon une autre source militaire)

Outre le détachement sol-air Mamba (100 aviatieurs de l'armée de l'Air) à Capu Midia et quelques éléments de liaison dans la capitale Bucarest, l'essentiel de forces est à Cincu, dans le centre du pays. On y trouve l'Echelon de soutien national et le Bataillon multinational de l'Otan, commandé par la France, qui est nation-cadre en Roumanie.


C'est ce bataillon (Battlegroup) qui est actuellement renforcé pour monter au niveau brigade. Selon les derniers chiffres disponibles (janvier 2025), il est d'un effectif de près de 1500 soldats, dont «environ 300 Belges, 30 Luxembourgeois et 200 Espagnols». Soit de l'ordre 900+ Français. Un gros GTIA en quelque sorte. Il est notamment équipé de 13 chars Leclerc, 18 VBCI, 4 Caesar et 3 LRU. Du solide.


Qu'en est-il des renforts ? Les Armées ne veulent pas communiquer de chiffres exacts, expliquant que «les chiffres ne sont pas un bon étalon». On nous permettra d'en douter. Une longue expérience de la communication des armées me fait plutôt penser que si les chiffres étaient bons, ils en seraient un formidable, d'étalon !


Mais, parce qu'un tel exercice est à la fois extrêmement coûteux et d'une grande complexité logistique - j'y reviens - le plus probable est que Brigade Expansion ne soit pas tout à fait à la hauteur de ce qui avait pu être envisagé ou promis. On fait donc comme si, en ne donnant pas tous les détails des chiffres. La sécurité opérationnelle (secops) pour ne pas donner du grain à moudre aux Russes a peut-être bon dos. On peut même estimer que si la France pouvait réellement projeter en dix jours une brigade blindée bonne de guerre - la 7e BB en l'occurence - sur le flanc Est, ce serait un «signalement stratégique» de premier ordre. La 7e Brigade blindée, c'est 7 régiments et 7500 militaires, selon le ministère des Armées.


Ce n'est absolument pas le volume projeté en Roumanie. Pour participer à Dacian Fall, on évoque 1400 pax supplémentaires, sans préciser s'il s'agit des seuls Français ou du total avec les renforts des pays alliés, dont les Belges, les Italiens et les Portugais. «On a un volume supérieur à deux gros GTIA, soit l'équivalent d'une brigade» précise-t-on à Paris.


Ne pas envoyer une brigade entière en Roumanie n'est pas, en soi, une mauvaise idée. C'est peut-être même un très justifié souci d'économies. Après tout, il s'agit surtout de valider des procédures et de pointer les difficultés. Cela se faisait déjà à l'époque de la guerre froide, lors de déploiement en Allemagne. Il n'est sans doute pas utile d'envoyer en Roumanie toutes les munitions nécessaires à une brigade bonne de guerre pour les rapatrier ensuite à grand frais. L'important est de les avoir à disposition et de savoir comment les convoyer rapidement au cas où.


Il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'une manoeuvre logistique conséquente, par mer, air, terre et rail. 6500 tonnes de fret et 500 véhicules, selon l'état-major.

Pas d'informations sur le nombre de chars Leclerc dépêchés à Cincu. On rappellera au passage qu'en 2002, la France avait envoyé 45 de ces chars lourds en Ukraine, pour s'y entrainer à Mykolayiv. Un quart de siècle plus tard, la question reste de savoir si on est toujours capable de le faire. Espérons-le.


Selon la presse roumaine, pas moins de onze trains et 14 convois routiers, en provenance de France et des autres pays participants, ont été nécessaires pour acheminer l'ensemble des équipements. L'arme du Train a été à l'honneur dans cette manoeuvre. Chacun de ses trains est long de 600 mètres et transporte une quarantaine de véhicules. Ils ont mis entre 4 et 5 jours pour traverser l'Europe. La distance a parcourir est d'environ 2300 kilomètres, mais il faut franchir de nombreuses frontières (Allemagne, Autriche, Hongrie, Roumanie, par exemple). Et c'est à chaque fois compliqué pour des raisons adminstratives : il n'y a pas de libre circulation militaire au sein de l'UE ou de l'Otan... C'est toute la question de la mobilité militaire.


Une partie du matériel est arrivé par la mer, à bord du roulier Tangara (et du PHA Tonnerre?) dès le mois de septembre, via le port grec d'Alexandroupolis (proche de Salonique) avant de rejoindre la Roumanie, via la Bulgarie. Cinq vols d'avions gros porteurs ont également été nécessaires.


A l'issue de Dacian Fall (qui a débuté officiellement hier 20 octobre) le 13 novembre, ces équipements rentreront en France. Il est possible que par souci d'économie Dacian Fall correspondent à la relève des forces françaises de la mission Aigle, provenant de la 2e brigade blindée, notamment les Gaulois du 92e. RI.


Actualisation : Lors du point de presse du ministère des Armées du 23 octobre, le porte-parole de l'état-major des armées a apporté quelques précisions. "L'échelon brigade est d'à peu près 3000 personnes. C'est du sur-mesure par rapport aux plans de défense de l'Otan". La durée de la projection depuis la France vers la Roumanie est "aux alentours de trois semaines".


(D'autres infos à venir sur la logistique française et le mobilité militaire en Europe)













1 commentaire


JC
il y a 4 jours

Bonjour Monsieur Merchet, j'aimerai apporter sur ce post un commentaire sur l'affaire Nord Stream, n'ayant pas trouvé d'autres post à son sujet je me sers de celui-ci avec votre accord . Beaucoup de choses ont été dites sur le mode opératoire qui a abouti au sabotage des 2 pipelines. Il convient, néanmoins d'apporter quelques précisions sur ce qui regroupe de faire une plongée à 80 mètres de profondeurs . D'avance nous pouvons exclure tout usage d'une plongée à l'air tel que cela pratique communément . En France, la pratique de la plongée à l'air se limite à 60m c'est vrai pour la plongée loisir comme pour la plongée professionnelle . Les zones d'intervention des plongeurs de la marine nationale notamment, pou…

J'aime
bottom of page