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La France a-t-elle besoin d'un nouveau porte-avions ?

  • Photo du rédacteur: Jean Dominique Merchet
    Jean Dominique Merchet
  • il y a 6 heures
  • 3 min de lecture

Le président Macron a confirmé le lancement de ce programme majeur

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L'annonce n'en était pas une... mais la communication politique a ses nécessités. Dimanche 21 décembre, en déplacement aux Emirats arabes unis, Emmanuel Macron a confirmé le lancement du porte-avions de nouvelle génération (PANG), qui devrait succéder au Charles de Gaulle vers 2038. Un programme à plus de 10 milliards.

Ce que le chef de l'Etat a annoncé, c'est la signature, la semaine dernière lors d'un comité ministériel d'investissement, du DLR (dossier de lancement en réalisation), une étape importante de ce programme annoncé depuis 2018 et inscrit dans la loi de programmation militaire.

Contrairement au discours officiel, ce programme est loin de faire l'unanimité au sein des armées. Un proche du dossier confirme qu'il a été «malmené par l'armée de l'Air et de l'Espace et par l'armée de Terre, qui continuaient encore récemment à tirer dessus, notamment sur son coût». Récemment, au cours d'une réunion ministérielle, le chef d'état-major des armées a voulu revenir sur le sujet, s'attirant une réplique «sèche» de la ministre Catherine Vautrin. Auparavant, Sébastien Lecornu avait tenté, mais en vain, de changer la désignation du PANG en porte-aéronefs... et non en porte-avions, s'attirant les foudres de la Marine.

Cette question du porte-avions, à laquelle je m'intéresse depuis près de quarante ans, mérite pourtant un vrai débat politique et militaire.

De tous les équipements militaires, le PA est celui qui possède la charge symbolique le plus forte : il est l'expression même de la puissance. Contrairement aux sous-marins, il est ô combien visible et propre à des images spectaculaires. On se souvient du film Top Gun et des innombrables reportages sur le Charles de Gaulle. Contrairement à l'arme nucléaire, le PA est une arme d'emploi - ce qui lui donne, là encore, de la visibilité. En cela, il est par nature un objet politique - d'où l'importance qu'il représente aux yeux des dirigeants d'un pays comme la France. Après le siège permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies et la dissuasion nucléaire (à laquelle, d'ailleurs, il participe un peu via la FANu), il est le troisième sceptre de la puissance française. Ou de ce qu'il en reste.

Dans un autre ordre, il est l'objet d'un attachement identitaire de la part de la Marine nationale. Son existence est la preuve que la Marine reste une grande marine sur la scène mondiale et qu'elle joue dans la cour de l'US Navy. Les marins y tiennent donc comme à la prunelle de leurs yeux.

L'alliance des politiques et des amiraux (soutenus par les experts qui en dépendent) bloque ainsi tous les débats, pourtant nécessaires, sur l'intérêt militaire du porte-avions.

Les PA sont, depuis la seconde guerre mondiale, les capital ships des forces navales. Ils ont alors brutalement pris la place des cuirassés, successeurs des grands vaisseaux de la marine à voile. Les cuirassés (navires de ligne, Dreadnoughs, Panzerschiffe...) étaient de magnifiques engins, qui symbolisaient la puissance navale jusque dans les années 30. On se souvient de la belle marine de l'amiral Darlan, qui n'avait pas de porte-avions. Toutes les nations voulaient alors des cuirassés, comme aujourd'hui, tout le monde veut des porte-avions. La Chine bien sûr, pour faire comme les Américains, mais aussi l'Inde, la Corée du sud, le Japon, le Royaume-Uni, la Turquie, l'Italie... et la France. René Girard parlerait de "désir triangulaire" : je désire ce que l'autre désire

Le PA domine les mers depuis 1940, avec la bataille de Tarente. 85 ans plus tard, la question reste de savoir s'il n'est pas entré dans une phase d'obsolescence, c'est-à-dire que le rapport coût/efficacité se dégrade. Comme ce fut le cas pour les cuirassés lors de la seconde guerre mondiale. C'est une question intellectuellement passionnante, mais difficile à trancher, n'en déplaise à tous ceux qui avancent bardés de certitudes. En réalité, seule une nouvelle grande guerre navale pourrait trancher le problème.

Les développements actuels des drones et des missiles balistiques lancent en effet de sérieux défis aux PA. Menacé, le groupe aéronaval (le PA et son escorte) doit consacré une part de plus en plus importante de ses moyens à sa propre protection, c'est-à-dire à sa survie. Il doit également se tenir plus éloigné des côtes. Ses capacités offensives ne pourraient être elles pas être remplacés par d'autres moyens moins coûteux ? Cela mérite d'en débattre sereinement.

Une question rebattue est celle du second porte-avions. Deux évidences s'entrechoquent : 1) compte-tenu des longues périodes d'immobilisation du bateau, il en faut deux pour garantir une permanence à la mer. 2) la France n'a pas les moyens de s'offrir deux grands porte-avions . A-t-on sérieusement étudié la possibilité de construire deux petits porte-avions ? Pourquoi l'hypothèse a-t-elle été rejetée ?










 
 
 
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