La France a besoin d'un missile balistique non-nucléaire, le MBT
- Jean Dominique Merchet
- il y a 23 heures
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ArianeGroup travaille sur un projet à bas coût. Une décision étatique est attendue.

Dans les conflits actuels (Russie/Ukraine et Israël/Iran notamment), l'emploi de missile balistique sol-sol à charge conventionnelle est de plus en plus fréquent. Or, la France est totalement dépourvu de ce type d'armes, comme l'Iskander russe (photo ci-dessus). Entre la roquette LRU (80 km de portée) et le missile stratégique M.51 à charge nucléaire, il n'y a rien dans le domaine balistique. D'où l'idée de combler ce trou capacitaire.
Le projet existe sous le nom de MBT, missile balistique terrestre, ou désormais missile balistique de théâtre du fait de l'intérêt des marins et des aviateurs.
L'industriel ArianeGroup (qui produit la fusée Ariane et le missile M51) y travaille depuis plus de deux ans. L'idée est de produire un arme à (relativement) bas coût, afin de pouvoir la produire en série - une dizaine par mois possiblement.
L'engin à trajectoire balistique aurait une portée de plus de 1000 kilomètres - la portée étant un choix politique de l'Etat. Le MBT serait à deux étages : un propulseur à carburant solide et un corps de rentrée légèrement manoeuvrable. Ce corps de rentrée, qui ne serait pas un planeur hypersonique, aurait une charge militaire pas trop importante - l'effet cinétique étant surtout obtenu par la vitesse d'impact.
Le diamètre du MBT serait d'environ 50 centimètres pour une longueur inférieure à dix mètres. Il serait lancé à partir d'un camion.
Des versions pour la marine, à partir des tubes des frégates, seraient envisageables, ainsi qu'une version air-sol. Le chef d'état-major de l'armée de l'air, le général Bellanger, a marqué son intérêt pour ce système, qui devrait pouvoir être tiré depuis un Rafale. Les Israéliens utilisent ce type d'armes comme on l'a vu en Iran, avec les Blue et Black Sparrow.
Comme l'a dévoilé Challenges, le projet de loi de finances 2026 prévoit, pour la première fois, une ligne budgétaire pour la MBT avec 15,6 millions l'an prochain, pour un total, après 2029 d'environ un milliard. Il s'agit pour l'instant d'une levée de risques technologiques.
Pour l'instant, il s'agirait d'un programme franco-français, mais rien n'interdit à ce qu'il devienne franco-allemand. ArianeGroup étant une entreprise franco-allemande. Ce projet pourrait également s'inscrire dans le programme européen Elsa, qui associe une demi-douzaine de pays. Mais la lourdeur des procédures multinationales pourrait retarder le lancement du programme.
La France n'a plus produit de missile balistique sol-sol depuis le Hadès (en service dans les années 90), qui était à vocation strictement nucléaire, avec une portée nettement inférieure à 1000 km.
Ce projet de MBT suscite toutefois des réticences doctrinales, liées à la dissuasion nucléaire. Lors de son audition à l'Assemblée nationale, le général Mandon, chef d'état-major des armées (cema), s'est montré extrêmement prudent, évoquant la poursuite des études pendant plusieurs années.
D'autres pays, comme l'Allemagne ou la Pologne; privés de dissuasion nucléaire, estiment que des missiles balistiques sol-sol à longue portée (+ 2000 km) à charge conventionnelle pourraient avoir un rôle dissuasif face à la Russie. Le Cema français juge cette idée «non pertinente militairement». En France, beaucoup estiment que le développement de ces armes risque de déstabiliser notre doctrine de dissuasion.